Je pense aussi à ceux qui risquent de s’installer en Sibérie contre leur gré, un peu de lecture c'est pas mal... Riri c’est aussi pour toi
Préambule
Bon tout ça c’est pour poser le décor de façon synthétique ou presque donc… revenons-en à nos moutonsÀ la fin du premier conflit mondial, l’aviation est passée d’un hobby d’inventeurs un peu fantasques à une industrie rapidement développée grâce aux subsides des états engagés dans la guerre.
Les hostilités terminées, les aéroclubs fleurissent un peu partout et l’attrait pour l’aérien touche de nombreux jeunes dans le monde entier. La formation n’est pas uniforme et les armées et compagnies aériennes naissantes vont rapidement avoir besoin d’écoles structurées.
En Pologne cela se traduit par la création d’une école qui est aujourd’hui encore le centre de formation principal des pilotes de l’armée de l’air.
J’ai eu la chance de la visiter l’été dernier (le musée était hélas fermé en préparation d’une cérémonie) et j’avais prévu depuis d'écrire un post pour vous en parler.
Sans vous faire un cours mais presque sur toute l’histoire de la Pologne (dont madame me disait encore récemment qu’elle est « terrible » et « riche »), il est bien de replacer la création de l’école dans le contexte polonais du vingtième siècle :
Comme le montre cette carte, le congrès de Vienne de 1815 (si si, vous vous rappelez vos cours d’histoire de seconde) entérine le 3ème partage du pays entre ses sympathiques voisins.
Ce partage date de 1795, mais l’Europe a connu quelques heurts avec notre petit Corse et donc les amicaux voisins n’ont pu, de suite, prendre pleinement jouissance des territoires acquis sur tapis vert.
Nous voici dans un pays qui a recouvré son indépendance le 11 novembre 1918 (et qui vient donc d'en fêter le centenaire !).
De facto, l'armistice avec l'Allemagne entraîne la création de la deuxième république de Pologne qui là aussi connait quelques déboires…
Conflits avec ses voisins dès la fin de la guerre. D’abord avec l’Ukraine puis avec la Russie bolchévique jusqu’en 1921.
S’ensuit une période à peu près stable jusqu’à un coup d’état consacrant la prise du pouvoir du Maréchal Piłsudski en 1926.
Figure de la nation, le De Gaulle de l’étape plaça très haut le sentiment de puissance de la Pologne.
(peut-être un peu trop..., la moustache un poil trop longue... enfin ici on ne dit pas de mal du personnage, on touche au sacrilège...)
Après sa mort en 1935, des colonels de son entourage lui succèdent.
Piłsudski avait négocié avec Hitler en 1934 un pacte de non-agression pour 10 ans.
Peu connu, cet accord interdisait l’usage de la force aux 2 pays pour résoudre les conflits territoriaux potentiels
(les polonais se doutaient-ils déjà que le Traité de Versailles allait poser quelques soucis à leur germains voisins… et par extension à eux-mêmes ?).
En avril 1939, face au refus des polonais d’aménager le corridor de Dantzig, Hitler dénonce ce pacte.
Une semaine après la signature du pacte germano-soviétique, le 1er setpembre, l’Allemagne envahit son voisin sans ultimatum (Fall Weiss : le Plan Blanc).
On a tous en mémoire les avions moustiques PZL P.11c face aux rutilants Messerchmitt 109...
...et... l'image d’Uhlans chargeant des colonnes de Panzer I et II.
Bon tout ceci est certainement dû à l’efficace propagande nazie qui a bien ancré dans nos esprits ce qui relève sinon du mythe, de l’exagération.
Pour ce qui est des charges de cavalerie, elles ont servi contre l’infanterie ou… la cavalerie allemande (!)
Le fait est également qu’à l’époque les armées étaient encore largement hippomobiles.
La charge de cavalerie qui a été relayé par la propagande de Goebbels est une victoire tactique polonaise pour couvrir la retraite d’unités proches de la frontière au soir du 1er septembre.
Après avoir dispersé l’infanterie allemande, les cavaliers polonais ont été surpris par des blindés allemands qui ont alors fait un bain de sang.
Les photos prises après cette bataille par des reporters italiens ont alors fait le tour du monde pour démontrer la supériorité du Blitzkrieg…
Comme quoi… l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs !
Ce qui est certain c’est que la ténacité des polonais a surpris les allemands qui ont mis 5 semaines à venir à bout de la Pologne… avec l’aide des russes…
Le 17 septembre, voyant que « tout roulait à l’ouest » pour son allié de circonstance, Staline fait de même et prend les défenseurs du pays à revers.
L’armée polonaise et la population sont prises entre 2 feux.
Le plan des polonais était simple : établir des lignes de défense successives permettant de tenir. Tenir le temps que débute l’intervention de sauvetage des français et des anglais.
L’inaction de ces 2 infaillibles alliés devait s’expliquer par le fait qu’il était plus confortable de rester au chaud bien protégé derrière la ligne Maginot ou de l’autre côté de la Manche…
Le 6 octobre, les allemands remportent la bataille de Kock qui met fin à la campagne de Pologne.
Pour l’armée :
- la majeure partie des officiers prisonniers connaitront un sort funeste (cf. Katyn)
- ceux qui peuvent fuir gagnent l’étranger et reconstituent des unités prêtes au combat.
En France, les polonais ne seront pas ou peu employés par l’état-major et finiront par gagner l’Angleterre où ils s’illustreront dans des escadrons polonais reconstitués par la RAF.
- Certains choisiront une vie clandestine dans les forêts où ils formeront l'armée de l’intérieur (AK), les partizans…
Pour le gouvernement c’est l’exil à Londres.
À noter que celui-ci ne capitula pas et aucun armistice ne fut signé avec les allemands ou les russes.
L’esprit de résistance qu’on vous dit… (et de contradiction un peu aussi).
Vous connaissez la suite avec à l’ouest la campagne de France en 40 et à l’Est Barbarossa en 41 puis la « gross » déroute du front Est et le partage de l’Europe à Yalta…
L’École des aiglons
La formation à l'aviation militaire en Pologne remonte à 1925, année de la création de l'école d'aviation d'officiers à Grudziądz.
Ceci peut paraitre tardif mais au vu du rappel historique post WWI ci-dessus c’est plutôt cohérent.
L'école avait un système de formation de 2 escadrons (pilotes et observateurs).
En avril 1927, elle est transférée à Dęblin qui devient la capitale de l'aviation polonaise.
Dęblin today
Située au bord de la Vistule à une cinquantaine de kilomètres au sud de Varsovie, la ville accueille près d’un noeud ferroviaire tous les équipements nécessaires à la formation. Entre les 2 guerres elle fut une des plus modernes écoles d’aviation du monde.
(Donnez leur un Spit et vous verrez… d’ailleurs on a vu !)
15 Août 1928 : première promotion de 77 lauréats.
Parmi eux quelques pilotes s’illustreront dans les escadrons de chasseurs polonais reformés en Angleterre lors de la seconde guerre mondiale.
Zdzisław Krasnodębski (premier commander de l’escadron No. 303 “Kościuszko” )
Stefan Łaszkiewicz (premier commander du No. 308 "City of Kraków").
Walerian Jesionowski (commander du No. 308 "City of Kraków")
En 1929 Dęblin crée le « Centre de formation des officiers de l’aviation » comprenant :
L’école de cadets de l'aviation (SPL),
L’école des officiers de la réserve de vol (SPRL),
Des cours de pilotage pour officiers subalternes,
Un escadron d'entraînement,
Une base aérienne opérationnelle.
Bartel BM-5 - Biplace d’entraînement
En 1935, la période d'instruction est étendue à 3 ans (théorique et pratique plus poussées et, surtout, entraînement au combat).
RWD-14 Czapla
En 1937, l’école devient Centre de formation à l'aviation n ° 1 avec l’ajout d’un Collège dédié au pilotage.
PZL-43 Karaś
Les candidats à la SPL à Dęblin dans l’entre-deux-guerres étaient principalement issus des classes moyennes.
Les classes dites supérieures rejoignant la réserve (SPRL).
La vulgarisation des aéroclubs dans le pays oblige les autorités à penser un système perfectionné, professionnel et uniforme d’éducation aéronautique.
La formation au vol à voile est mise en avant. Elle permet notamment l'amélioration du système d'entraînement aérien.
Le plan majeur était d’élargir les forces aériennes polonaises à partir de 1942…
L’objectif ultime de l’École était de former simultanément 600 élèves-officiers !
PZL-37 Łoś
Septembre 1939
Défendue par ses enseignants avec peu d’avions, l’école fut évacuée dès le 3 septembre pour être réinstallée plus à l’Est. La rapide avancée allemande et la deuxième lame soviétique ne l’ont pas permis.
Le personnel et les cadets ayant pu fuir passèrent par la Roumanie neutre pour rejoindre la France.
Sut le site de l’école il est indiqué qu’ils ont cherché des occasions de se battre pour leur pays en France, mais ils les ont trouvés en Grande-Bretagne… sic!
Ce qui est sûr c’est que la France a été réticente à reformer une armée de l’air polonaise sur son sol.
1 seul groupe de Chasse fut formé à Bron (près de Lyon, équipé de chasseurs obsolètes le 18 mai 1940) et le reste dispersé sur le territoire.
170 pilotes polonais combattirent dans le ciel français en mai et juin 1940 et abattirent plus de 50 avions allemands
(8% des victoires de la campagne de France, pour 8 KIA, 1 MIA et 4 morts par accidents).
Et tout ça sur Caudron C.714 et quelques MS.406, s’il vous plait !
Partis après la débâcle en Angleterre, la Royal Air Force les accueille.
Elle reforme 2 escadrons de chasseurs polonais et 2 escadrons de bombardiers.
Au total, 14 escadrons seront formés (8 chasseurs, 4 bombardiers, 1 chasseur de reconnaissance et 1 d’observation).
À la fin de la guerre, l'armée de l'air polonaise comptait plus de 14 000 soldats et près de 4 000 navigants.
2 000 aviateurs polonais sont morts au combat.
Les pilotes de chasse ont abattu plus de 900 avions allemands et 42 d'entre eux ont reçu le titre de «Fighter Ace».
Petite digression en lien avec l’histoire des pilotes polonais dans la RAF, je vous recommande le film Dark Blue World.
Il s’agit de pilotes tchèques mais leur histoire est assez similaire.
S’y ajoute le retour ou non au pays et le sort qui leur fut réservé par le nouveau régime.
L’École après la guerre
La situation a radicalement changé. En plus d’être dans la zone d’influence soviétique, l’école a souffert des énormes destructions causées par les opérations militaires, du manque de personnel qualifié, exécuté par l'occupant ou demeurant à l'Ouest, et par la politique de répression des autorités communistes contre l’intelligentsia polonaise.
Les premiers instructeurs ne parleront que le Russe.
Pour faire court :
1944-45, l’armée rouge libère la rive droite de la Vistule et l’entrainement aérien reprend, d’abord à Zamość puis retour à Dęblin sur du matériel fourni par le grand frère soviétique, des UT-2.
Yakovlev UT-2 utilisés pour la formation à Dęblin
1957, après une longue période de reconstruction, un enseignement aérien qualitatif est réinstauré dans un contexte de Guerre froide avec le matériel du pacte de Varsovie.
Lim-2 (fabrication en Pologne sous licence du MiG-15bis).
Lim-5 à Dęblin (fabrication en Pologne sous licence du MiG-17F).
Sukhoi Su22-m4 Fitter
1995, l’enseignement doit être adapté à la nouvelle donne politique suite à l’effondrement de l’URSS. Le matériel est toujours celui du pacte de Varsovie mais se pose la question de la viabilité de ce matériel. Il faut également intégrer l’apprentissage de… l’anglais !
Su22-m4 Fitter
Mig-29g
2004, réforme de l’enseignement pour s’adapter aux exigences européennes, à l’OTAN et à la cohabitation de 2 types de matériels : celui de l’ère soviétique et celui acheté aux nouveaux partenaires de l’Ouest (notamment des F-16).
Anecdote
Entre 1966 et 1996, l’école a dispensé un enseignement et une formation en pilotage à des étudiants de Syrie, d’Inde, d’Iraq, de Libye, d’Algérie et de Birmanie.
(Pays dits non alignés ou proches du bloc communiste).
La formation des navigateurs était plus longue de 2 à 6 mois que celle des pilotes… (quand on vous dit que les chasseurs ont besoin des gros culs pour se repérer