7 janvier 1961. Après quatre missions d’entraînement à balles – et bombes – réelles menées avec le brio et la réussite qui caractérisent la jeunesse de la glorieuse Union Soviétique (hého, vos gueules, c’est moi qui raconte), les nouvelles recrues de la VVS s’apprêtent à conduire leur première mission de combat.
Il est 9h15 sur le parking de la base de Sochi-Adler et tandis que Partizan quitte à regret les bras poilus de l’infirmière Svetlana (une petite particularité physique qui date de son incorporation dans l’équipe d’URSS de natation aux derniers JO de Rome en 1960, mais qui n’entache en rien le charme de celle que tout le monde ici surnomme affectueusement : « la seule femme de la base alors hein bon »), Flappie espère que pour son premier véritable vol, il parviendra enfin à démarrer son MiG-15 sans l’aide de son fidèle mécano Youri.
Soit il y est parvenu, soit Youri est parvenu à s’éclipser à la faveur de l’obscurité de ce petit matin caucasien… Toujours est-il que les deux groupes Taïga et Vodka, emmenés respectivement par Partizan et Nyv, roulent vers la piste de décollage.
9h30… ou 35… Ptêt 40, allez (oui, même les montres sont russes dans la VVS, vous croyez quoi ?), et les sept majestueux MiG-15 s’élancent. Leur mission ? Une pure routine : patrouiller le long de la côte géorgienne avec pour seules consignes surveiller l’espace aérien de la Mère Patrie et ne pas empiéter sur celui du voisin turc, avec lequel les relations sont plus froides que des orteils d’opposants politiques retrouvés tout nus dans la neige de Sibérie.
Equipés de leurs gros bidons de 800 litres, les intercepteurs russes grimpent rapidement à plus de 10 000 mètres, où la vue sur les côtes de la Mer Noire est superbe, spectacle que de légères – et totalement involontaires, évidemment – erreurs de réglage de l’oxygène rendent encore plus fascinant. Ce qui se ressent sur la tenue de la formation, mais hey, comme dirait l’autre « tant qu’on a les traînées de condensation en visuel, on ne peut pas se perdre… »
9h46 : un message radio parvient aux pilotes. Ordre leur est donné de partir à l’ouest rejoindre la frégate Skorpeno, de descendre à 6300 mètres et attendre de nouvelles instructions. « Ben merde, lâche un ailier, comment on va faire pour rester groupés sans les traînées de condensation ? » Visiblement, rien au cours de leur entraînement intensif, ne les avait préparés à affronter une telle adversité…
10h01 : après plusieurs rotations dans le périmètre de la frégate, à une altitude si basse qu’on pourrait presque distinguer les poissons baiser dans la Mer Noire et à laquelle les Mig-15 sucent plus de kerosen qu’un fantassin siffle de vodka de contrebande, le groupe est informé de la présence de deux contacts non identifiés qui, après avoir pénétré dans l’espace aérien soviétique, ne répondent pas aux injonctions radio. Ordre est donné d’identifier ces deux trafics et, en cas d’absence d’étoile rouge sur leur carlingue, de faire s’abattre sur eux le poing vengeur de la puissance socialiste. Oui, d’accord, le message était plus sobre que cela, mais une fois encore, c’est moi qui raconte, j’ampoule si je veux.
10h16 : premier arrivé sur les lieux, Nyv repère en effet deux lourds appareils. L’œil aiguisé du pilote reconnaît immédiatement les silhouettes de C-130, appareils que l’on n’est pas spécialement habitués à croiser dans les cieux russes. Une première passe permet la confirmation visuelle : les cocardes sont turques.
Si une victoire contre un tel gros cul sans défense n’a rien de glorieux, en bon patriote, Nyv s’exécute néanmoins. Ses canons de 23 et 37mm se déchaînent et enflamment et le C-130 qui pique vers les flots avant de s’y crasher.
Un d’abattu. Mais où est donc passé le second ? Nyv le cherche du regard mais ne voit rien. Alors que bon, voilà, quoi, mais on ne se moque pas hein, c’est juste que bon voilà, mais en même temps quand on vole vite ou qu’on a le soleil dans la tronche tout ça tout ça on voudrait vous y voir à sa place, tiens…
Le leader Vodka finira par retrouver la trace du second C-130. Le temps de s’apercevoir qu’il a cramé toutes ses cartouches sur le premier appareil et il décide finalement d’aller vérifier de plus près ses cocardes (« rondelles rouge et blanche, ça peut pas être l’armée de l’air péruvienne ? » risque quelqu’un à la radio) et de saluer le pilote du quadrimoteur. Comme pour s’excuser de ne pouvoir lui régler son compte tout de suite, il lui fait signe que ses camarades sont en chemin et ne sauraient tarder, merci de patienter…
C’est finalement Warpig qui se retrouve le premier en position de tir.
« Vous pensez qu’on est encore dans l’espace aérien russe ou bien on est déjà en Turquie ?
- Ben euh…
- Ptêt ben que oui, ptêt ben que non…
- Attend, je pose huit, je retiens trois, ah non, merde, ça me dit qu’on est en Bolivie, j’ai dû merder dans mes calculs…
- Ou alors, tes calculs sont bons et c'est bien des cocardes péruviennes…
- OH D'LA MERDE TIENS ON N'A QU'A DIRE QU'ON EST ENCORE CHEZ NOUS ET PIS C'EST TOUT ! » conclut pragmatiquement Warpig avant de presser sur les détentes de ses canons.
Quelques obus de 23 et de 37mm plus tard, le second C-130 plonge à son tour vers la Mer Noire. D'après les relevés radar de la frégate Skorpeno, le MiG-15 et sa victime étaient encore dans l'espace aérien soviétique au moment de la destruction de ce dernier – notez qu'il aura peut-être poursuivi sa combustion dans le territoire turc avant de s'écraser, vu que la frontière était très, très proche, mais on s'en fout, on est perché. Néanmoins, et comme le soulignait le Mayor Popovitch dans le debriefing, ce n'est pas pour autant que l'affaire en restera là…
En attendant d'assister aux conséquences de cette étrange affaire, les MiG-15 retournent à la base. Ici Riri se trouve à la verticale de la base de Sochi-Adler.
Erel se pose le dernier et se tient prêt à fêter l'immense succès de l'escadrille pour sa première mission de combat. On ne le voit pas car il est hors-champ sur cette image, mais non loin de là, Vaught se réchauffe les mains sur la carlingue en feu de son appareil, qui n'a visiblement pas beaucoup apprécié l'atterrissage de cow-boy qui lui a été imposé. Pardon, l'atterrissage « d'ignoble garçon-vacher impérialiste », faut que je surveille mon langage, moi aussi.
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